Interview avec Pascaline Dury

Interview with Pascaline Dury

Pascaline_DuryPascaline Dury est Maître de Conférences, Département LEA (Langues Étrangères Appliquées), Faculté des Langues, Université Lumière Lyon2. Elle y enseigne la traduction spécialisée et la terminologie du L2 au M2. Elle dirige également le Master 2 de Communication Internationale en Sciences de la Santé.

Pascaline Dury est également un membre statutaire du Centre de Recherche en Terminologie et Traduction (CRTT) de l´Université Lumière Lyon2, en y publiant régulièrement avec contribution importante à la recherche.

Parmi les titres les plus les marquants, on peut citer: Quelle(s) traduction(s) pour le terme anglais greenwashing? Quelques observations croisées en terminologie, Les noms du pétrole : une approche diachronique de la métonymie onomastique, ou Building a Bilingual Diachronic Corpus of Ecology: The Long Road to Completion. Pour plus de détails, consulter la liste disponible du CRTT.

Suivons son opinion concernant la traduction, la terminologie et son impact dans l´environnement universitaire et professionnel.

1. Vous faites partie de l´équipe des linguistes du Centre de recherche en terminologie et traduction (CRTT) de l´Université Lumière Lyon 2. Pouvez-vous nous en parler des plus considérables activités du centre?

Les principaux travaux du CRTT portent sur l’étude des langues de spécialité, par le biais de la constitution et de l’analyse de corpus, mais aussi par le biais de la lexicologie, de la traduction et de la terminologie. Depuis 3 ans environ, le CRTT produit également une expertise en terminologie et en recherche documentaire dans le cadre d’un contrat de travail avec la DGLFLF (délégation générale à la langue française et aux langues de France).

2. Au même temps, vous êtes Maître de Conférences dans le master de Communication Internationale en Sciences de la Santé (M2CISS). Comment vous y intégrez la terminologie et quel est l´impact de cette discipline sur les étudiants?

Dans le cadre de ce master professionnel, les étudiants reçoivent un enseignement de terminologie afin de constituer un glossaire bilingue français-anglais contenant environ 40 termes spécialisés relatifs à une spécialité médicale. Ce glossaire est fait sous forme de base de données, la maitrise de l’outil informatique est donc aussi très importante, en plus des connaissances incontournables liées à la rédaction d’une fiche terminologique. Ce glossaire devant répondre à un besoin précis, les étudiants doivent donc trouver « un commanditaire » professionnel pour qui effectuer ce travail. Cette année par exemple, une étudiante a constitué un glossaire sur la myopathie de Duchenne pour le portail documentaire de l’AFM-téléthon.

Ce glossaire terminologique bilingue est important pour l’obtention du M2CISS, et même s’ils passent beaucoup de temps à le constituer, les étudiants apprécient de devoir trouver des commanditaires, avec des réels besoins en terminologie ; ils ont ainsi le sentiment que leur travail sert vraiment à quelque chose.

3 Est-elle révélatrice l´activité terminologique pour un traducteur indépendant? Pourquoi?

Bien que la réalisation de ce glossaire dépasse certainement le cadre de ce que le traducteur aurait le temps de faire pour sa pratique professionnelle, les étudiants comprennent bien, grâce à ce travail, quels bénéfices immenses le traducteur peut tirer de recherches documentaires et terminologiques faites préalablement à la traduction elle-même.

4. Après parcourir les sujets les plus récurrents traités par les linguistes du CRTT, on se rend compte que la recherche à base de corpus est un sujet assez débattu. Dans quelle mesure le corpus il est important et quels sont ses résultats terminologiques?

La compilation de corpus et leur analyse semi-automatique à l’aide d’outils informatiques me parait être absolument incontournable en terminologie. La quantité d’informations terminologiques que l’on peut extraire de corpus spécialisés permet l’étude de plusieurs aspects importants du domaine : néologie, cycle de vie des termes, rôle des contextes, collocations, etc.

5. L´un des domaines les plus recherchés par vous a été l´écologie. Quels sont ses aspects les plus intéressants du point de vue du linguiste?

Le domaine de l’écologie est un domaine passionnant à étudier, du point de vue terminologique, pour plusieurs raisons : c’est un domaine qui attire beaucoup l’attention des médias ce qui n’est pas sans conséquences sur le lexique, et c’est aussi un domaine en constante évolution, ce qui est très intéressant notamment pour observer la néologie et l’obsolescence terminologique. Enfin, le domaine de l’écologie s’est beaucoup diversifié, puisque maintenant l’écologie ne désigne plus seulement l’étude des populations animales et végétales et de leur habitat mais aussi la protection de l’environnement, la lutte contre la pollution urbaine, le développement des énergies renouvelables, etc. Ce sont autant de lexiques supplémentaires à étudier pour le terminologue!

6. On pense d´habitude à la langue spécialisée à travers ses aspects techniques et scientifiques. De quoi s´agit-il quand vous parlez de la ”métaphore en langue de spécialité”?

La métaphore en langues de spécialité est un thème de recherche que nous avons abordé lors d’une conférence organisée par le CRTT en 2008. Nous trouvions qu’il était important de voir comment les mécanismes de la métaphore et de la métonymie qui sont bien connus pour les langues dites générales, pouvaient également être utilisés dans les langues de spécialité, notamment pour créer des termes nouveaux, et quels problèmes de traduction cela pouvait poser lors du passage d’une langue à l’autre.

7. Dernièrement on est plus familiarisés avec la terminotique ou traduction assistée par ordinateur. Dans quelles conditions recommanderai-vous l´utilisation d´un logiciel informatique? Quels sont ses bénéfices pour l’activité linguistique?

Sur ce point, il est difficile de donner une réponse trop précise : de nombreux outils de TAO existent, tous n’ont pas les mêmes qualités et tous ne permettent pas le même type de travail. Par exemple certains outils proposent au traducteur de constituer des mini-glossaires de terminologie, alors que d’autres ne le font pas. Dans le cadre du M2CISS, nous essayons de montrer aux étudiants le fonctionnement de 2, 3 logiciels de TAO différents, pour que chaque étudiant puisse choisir celui qui semble le plus adapté à ses besoins.

8. En ce moment-ci, quels sont les domaines de spécialité qui ont besoin d´une collaboration avec des linguistes, en France?

Tous les domaines de spécialité auraient besoin d’une collaboration avec des linguistes!

Outre les domaines « traditionnels » biens connus qui suscitent l’intérêt des linguistes depuis longtemps (comme la médecine, l’environnement, la justice, l’économie etc.), beaucoup d’autres pourraient faire l’objet de recherches terminologiques très productives : je pense par exemple à une collaboration qui est en train de se dessiner entre le CRTT, l’Université catholique du Sacré-Cœur de Milan et le CTR (Centre for Textile Research) de Copenhague sur une étude diachronique de la terminologie de la fourrure et du cuir : l’objectif est de produire un glossaire multilingue dans ce domaine à destination des professionnels.

9 Quelles sont les perspectives d´emploi en France pour des jeunes qui ont poursuivi d´études en traduction spécialisée ou terminologie? Est-ce que les universités leur offrent une formation qui se met en accord avec les besoins du marché du travail?

L’objectif des masters professionnels comme le M2CISS est bien entendu de préparer  le plus efficacement possible les étudiants à entrer dans le monde du travail. C’est d’ailleurs pour cette raison que les stages professionnels sont si importants (un stage de 3 à 6 mois est obligatoire) : ils permettent aux étudiants de faire la transition entre l’université et la  vie professionnelle.

En M2CISS, la majorité des cours sont enseignés par des professionnels de la traduction et de la santé, ainsi le discours tenu aux étudiants est nécessairement tourné vers le monde du travail.

10. Comment envisagez-vous le futur du terminologue? Serait-il plus ou moins populaire? Serait-il plutôt le statut d´une profession ou il fonctionnera le plus souvent en collaboration avec des centres universitaires ou de recherche?

C’est assez difficile à dire : il est vrai qu’en France, il y a encore peu de terminologues professionnels (par exemple la DGLFLF mentionnée en début d’entretien compte 3 terminologues à plein temps); je suis cependant persuadée que la terminologie en tant que profession pourrait trouver sa place dans de nombreuses grandes entreprises privées ou publiques, car l’activité d’un terminologue ne concerne pas que la traduction : il y a aussi la constitution de glossaires bilingues ou multilingues, de bases de données, la veille documentaire et terminologique voire la rédaction scientifique, la création d’ontologies, etc.


Interviewed by Mioara Stroe

Mioara Stroe est une autodidactique et elle est pour un environnement social paisible et sûr. Elle est diplômée en Philologie française et portugaise à la Faculté de Langues et Littératures Étrangères de l’Université de Bucarest et elle a également obtenu un Master en Traduction à l’Université de Lisbonne. Elle a terminé sa formation par une période de recherche à l’Université de Lyon dans le cadre d´un échange Erasmus. Actuellement, elle se passionne pour la terminologie, découlant de son projet de thèse sur la terminologie des sous-produits animaux non-destinés à la consommation humaine. Elle a pu approfondir ses connaissances en terminologie à travers un stage au sein de l´Unité Coordination de la terminologie à la Direction Générale de la Traduction au Parlement européen.