Bâtir de… la terminologie en Espagne Les projets terminologiques HUMANTERM et SIERTERM à l’abri de LABTERM

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Prof. Dr Fernando Contreras Blanco
Universidad Europea de Madrid

 

Building terminology in Spain

The terminological projects HUMANTERM and SIERTERM under the umbrella of LABTERM/Abstract

Addressing specialised translation in a university context requires implementing a methodology that involves searching for documents and terminology applied to fields and contexts related to specific OT subject matters.

In many specialised fields, Spanish terminology projects have failed to come to full fruition, resulting in a lack of linguistic and terminological resources contained within a single portal.

The LABTERM project seeks to gradually meet the needs of translation students and trainees, and to house, among other things, open-source Wiki-based platforms such as HUMANTERM and SIERTERM, which represent new terminological and phraseological resources in the humanitarian domain and in the fields of intelligent systems and renewable energies.

Résumé

Aborder la traduction spécialisée en contexte universitaire implique la mise en place d’une méthodologie qui passe par la recherche documentaire et la terminologie appliquée aux domaines et contextes des matériaux à traduire.

Dans un bon nombre de domaines spécialisés, les projets de structuration de la terminologie en espagnol n’ont pas abouti et, par conséquent, les portails de ressources linguistiques et terminologiques manquent encore à l’appel.

Le projet LABTERM prétend couvrir, petit à petit, les principaux besoins des étudiants et stagiaires en traduction et accueillir, entre autres, les plates-formes à code ouvert, HUMANTERM et SIERTERM, en tant que nouvelles ressources terminologiques et phraséologiques dans les domaines de l’Humanitaire et des Systèmes Intelligents et des Énergies Renouvelables respectivement.

Keywords

traduction spécialisée, terminographie, Tiki Wiki, interrelation culturelle, rétention.

« Le monde progresse grâce aux choses impossibles qui ont été réalisées » (citation attribuée à André Maurois)

« Tout le monde savait que c’était impossible. Un imbécile est venu qui ne le savait pas. Et il l’a fait. » (aphorisme attribué à Marcel Pagnol)

Introduction

L’expression figurée « bâtir des châteaux en Espagne », qui signifie « former des projets irréalisables, se repaître de chimères » d’après le Dictionnaire de l’Académie française (neuvième édition, version informatisée), date de la fin du XIe siècle et apparaît au XIIIe siècle dans le Roman de la Rose sous la forme « faire des châteaux en Espagne ».

L’expression équivalente en espagnol, hacer castillos en el aire, et en anglais, build castles in the air, évoque la même idée (bâtir en l’air) sans pour autant y associer un nom de pays.

Le fait de faire de la terminologie en Espagne suppose un véritable défi, une tâche purement vocationnelle sans écho ni caisse de résonance.

Ce compte-rendu prétend rendre hommage à tous ceux qui réalisent des travaux terminologiques dans le but d’offrir de meilleures ressources aux étudiants, stagiaires, traducteurs, linguistes et autres acteurs des industries de la langue et de la communication multilingue.

La place de l’espagnol dans le monde : le français comme langue de référence

Après le chinois, l’espagnol est la deuxième langue la plus parlée au monde. Cependant, est-ce suffisant pour en faire une langue de référence en terminologie ? Jouit-elle du poids spécifique dans certains domaines scientifiques et technologiques ?

Dans les secteurs de l’Éducation et de la Culture, les autorités espagnoles ne semblent guère intéressées par la terminologie… C’est la raison pour laquelle un projet de structuration de la terminologie en langue espagnole n’a jamais abouti.

Dans le secteur de la traduction, nous croyons fermement à l’idée d’une langue à part entière, sans conditions ni fissures, une langue sans calques ni emprunts inutiles, capable d’absorber et d’intégrer certains langages de spécialité monopolisés par la langue anglaise du XXIe siècle.

La langue française est ce miroir dans lequel devrait se regarder la langue espagnole, soit la richesse de ses ressources terminologiques, tant en France qu’au Canada, en Belgique ou en Suisse… Serait-il fantaisiste de penser à créer un portail de ressources terminologiques et phraséologiques en espagnol ? Pourrions-nous entrevoir, entre autres, une banque de données de recommandations terminologiques officielles telle que FranceTerme en Espagne ?

La science s’écrit également en français et en espagnol

Dans le domaine scientifique, la langue française semble avoir perdu du terrain par rapport aux XVIIIe et XIXe siècles ou au début du XXe siècle, mais il n’en demeure pas moins qu’elle préserve son identité et son indépendance en matière de création terminologique.

Nous vivons sous l’influence de l’anglais depuis plus d’un demi-siècle, en particulier dans les domaines économique, financier, scientifique et technologique, mais c’est surtout dans ces deux derniers domaines que le fossé s’est creusé.

Une langue internationale, telle que le français ou l’espagnol, doit servir dans toutes les situations de communication, non seulement dans des contextes de langue courante ou de vulgarisation scientifique mais aussi dans des domaines plus pointus, comme la science et la technique.

En Espagne, il a fallu attendre une éternité avant d’avoir des dictionnaires académiques dans les domaines de la Médecine (Diccionario de Términos Médicos, de la Real Academia Nacional de Medicina) et de l’Ingénierie (Diccionario Español de Ingeniería, de la Real Academia de Ingeniería) et des ressources créées par et pour les traducteurs (Diccionario crítico de dudas de medicina, Cosnautas.com, entre autres).

Ne publier qu’en anglais, pour des raisons économiques, politiques ou bureaucratiques, ne semble pas répondre à la logique d’une langue moderne.

Comme disait fort bien Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794), « on ne peut perfectionner le langage sans perfectionner la science, ni la science sans le langage ».

La nécessité de continuer à créer des ressources terminologiques et phraséologiques fiables en espagnol

Dans toute formation en traduction, il s’avère nécessaire d’implanter une méthodologie qui puisse mettre en valeur les étapes du processus global de traduction professionnelle et permette à l’étudiant ou stagiaire de comprendre, apprendre et retenir.

Pour ce faire et afin de bien préparer le matériau à traduire, il faut travailler l’aspect thématique (textes parallèles) ainsi que l’aspect terminologique et phraséologique (glossaire).

Un glossaire terminologique et phraséologique va au-delà du vocabulaire créé comme une simple liste d’équivalences et peut comporter des éléments appartenant aux dictionnaires monolingues et aux banques de données terminologiques multilingues (catégories grammaticales, domaines, contextes, définitions, observations et sources fiables).

Dans cette optique de fiabilité, le glossaire évolue en dictionnaire du traducteur et peut déboucher sur la banque de données terminologique, le gestionnaire de terminologie ou encore sur la plate-forme terminologique à code ouvert que nous avons conçue à cet effet.

Applications terminologiques en traduction spécialisée

Comme nous venons de le voir, la traduction spécialisée de qualité passe par une excellente recherche documentaire et une terminologie adaptée aux besoins du traducteur.

La fiche terminologique complète semble être la meilleure option si l’on souhaite bien cerner les difficultés lexicales des matériaux à traduire.

Les rubriques peuvent varier en fonction des objectifs même si certaines semblent incontournables.

L’interrelation culturelle sert à mieux comprendre et à retenir le terme en question.

Les renvois ou références croisées servent à mettre en relation des termes proches et à compléter l’information si besoin est.

L’illustration permet d’éclairer notre lanterne car parfois mieux vaut une image que mille mots.

Le portail LABTERM

Né sans aucune présomption ni contrainte, ce portail sert à regrouper les meilleures ressources terminologiques et phraséologiques, indispensables aux traducteurs spécialisés.

Sous un même chapeau, nous coiffons, entre autres, un forum langagier, des plates-formes terminologiques, des banques de données terminologiques, des dictionnaires, des glossaires, des lexiques, des thésaurus et la bibliothèque du traducteur par domaines de spécialité (traduthèque, terminothèque, éconothèque, juridicothèque, etc).

Nous avons l’intention d’y ajouter des outils de traduction assistée par ordinateur (TAO), des outils de traduction automatique (TA), des manuels de style, des projets de fin d’études…

Les plates-formes terminologiques HUMANTERM et SIERTERM

Dans le dessein d’améliorer le niveau de connaissances de nos étudiants et stagiaires dans leurs principales langues de travail (espagnol, anglais, français), nous avons élaboré deux plates-formes terminologiques à code ouvert sous Tiki Wiki :

  • HUMANTERM couvre l’insaisissable secteur Humanitaire en tant que super-domaine dans lequel les termes vedettes sont classifiés, sous forme de fiches terminologiques, par domaines et sous-domaines en fonction des contextes donnés.

Pensée pour aider nos étudiants lors de leurs stages dans certaines ONG, la plate-forme croît chaque année grâce à l’apport des étudiants, stagiaires et traducteurs intéressés. Pour ce faire, il suffit de s’identifier, exposer ses raisons et demander un nom d’utilisateur et mot de passe.

Les langues de travail au départ (2012-2013) comprenaient l’espagnol, l’anglais, le français, le russe et le chinois, et depuis la fin du projet elle n’est alimentée qu’en espagnol, anglais et français.

Exemple de fiche trilingue mise à jour : http://www.humantermuem.es/tiki-all_languages.php?page=virus%20del%20%C3%89bola&no_bl=y

  • SIERTERM recouvre les vastes domaines des Systèmes Intelligents et des Énergies Renouvelables. Les termes vedettes sont classifiés, sous forme de fiches terminologiques complètes, par domaines et sous-domaines en fonction des contextes donnés.

Pensée comme point d’appui ou support de notre Centro de Excelencia de Investigación en Sistemas Inteligentes y Energías Renovables (Universidad Europea), la plate-forme, commencée en février 2014 et achevée en mars 2015, va croître grâce à l’apport des étudiants, stagiaires et traducteurs intéressés. Pour ce faire, il suffira de s’identifier, exposer ses raisons et demander un nom d’utilisateur et mot de passe.

Les langues de travail comprennent l’espagnol, l’anglais et le français.

Exemple de fiche trilingue mise à jour : http://www.sierterm.es/tiki-all_languages.php?page=inteligencia%20artificial&no_bl=y

Conclusion

Un travail de terminologie, fondé sur la fiche terminologique trilingue complète et censé servir comme dictionnaire de traduction (référents culturels, doutes, difficultés et recommandations), mobilise tellement de ressources humaines qu’il semble impossible à envisager au premier abord.

Il ne s’agit pourtant pas d’en imposer le modèle ni d’ériger un château-fort, avec fossé et pont-levis, comme symbole d’une application méthodologique sans faille.

Nos projets ne constituent pas une proposition à imiter ni un exemple à suivre mais plutôt une invitation à partager de nouvelles ressources où la langue espagnole et la langue française viennent occuper une place d’équité linguistique face à l’anglais.

Bibliographie

Cabré Castellví, M.T. (2012). La terminologie dans le contexte du multilinguisme et à la défense de la diversité linguistique. Synergies Espagne, 5, 5-8.

Dictionnaire de l’Académie française (neuvième édition, version informatisée).

Expressio.fr par Reverso. (2010). Les expressions françaises décortiquées. Reverso Softissimo, 2013.

Gouadec, D. (2002). Profession : traducteur. Paris : La Maison du Dictionnaire.

HUMANTERM. (2013). Plate-forme terminologique multilingue dans le domaine de l’Humanitaire.

SIERTERM. (2015). Plate-forme terminologique trilingue dans les domaines des Systèmes Intelligents et des Énergies Renouvelables.